Le classique de go - Manuscrit de Dunhuang

碁經 Qijing

Le classique de Go fut découvert dans les grottes Mogao à Dunhuang en Chine par Aurel Stein en1907 : il apprtient maintenat à la collection de la "British Library" à Londres au Royaume-uni.

Les grottes de Dunhuang sont ornées de peintures murales dont l'une représente une partie de go observé par un Bodhisattva

Un Bodhisattva observant deux officiels jouant une partie de go

Le manuscrit original du Classique de Go[i] est étiqueté Or.8210 / S.5574 («S» pour Stein) et est considéré comme le plus ancien manuel existant consacré au jeu de Go. Dans les années 1960, Cheng Enyuan a fourni une transcription en chinois simplifié moderne avec de nombreuses notes. Son avis est que le manuscrit a été écrit au VIe siècle après JC, dans l'état de Zhou Nord, en raison de la structure de certains des caractères et de la langue utilisée[ii]

Qijing

Une édition révisée des travaux de Cheng a été publiée en 1990. Une transcription du manuscrit en caractères chinois complexes et modernes a été disponible sur le site Internet du Yenjing College Go Club de Hong Kong[iii].

Je tiens à remercier John Fairbairn pour sa lecture attentive et ses commentaires perspicaces sur les versions préliminaires de la traduction anglaise

Robert W Foster [traducteur en Anglais de la section 1]

http://idp.bl.uk: Projet international Dunhuang, 2009.

 Informations physiques:

Institut:

British Library

Site:

Dunhuang Mogao

Forme:

Rouleau

Matériels:

Manuscrit, encre sur papier

Taille (h x l) cm:

15.5 x 240

 

Section 1[iv]

… Les stratégies de [Chen] Ping.[v]  S'il y a des endroits où couper, attaquez-les, en affaiblissant les formations adverses; même s'il n'y a pas de gain, cela ne fera aucun tort à la configuration globale. Si l'avant-garde devient forte[vi], on peut empiéter. Si l'avantage stratégique[vii] est déjà perdu, défendez les frontières. Si on est gourmand, on sera souvent vaincu. Si timide, on réussira rarement.[viii]

Comme deux généraux se préparant l'un contre l'autre, s'il y a une opportunité, saisissez-la. Les anciens disaient: «ne considérez pas un cœur vertueux comme bon; il faut être capable de tromperies subtiles. »[ix]

Si vos intentions se situent au sud-est, jouez trompeusement au nord-ouest. Comme dans l'invasion de Guo[x] par le Seigneur de Jin, ayez des plans ultérieurs; ou comme Zhuge [Liang] mettant en œuvre la [ville] «vide», soyez souvent capable de créer de belles désillusions.[xi]

Parce que les coups précédents ne peuvent pas être modifiés, les regrets ultérieurs sont vraiment difficiles à supporter. Au go, il y a un nombre illimité de pièces, et les situations doivent donc être soigneusement examinées. Ne laissez pas les armées vaincues revenir en rébellion pour vous mettre en colère, briser l'encerclement[xii] et ressusciter. Les pièces dans ces situations ne sont pas d'un seul type: certaines induisent une échelle et se précipitent comme des vagues; certaines suivent une échelle et sont plutôt perdues[xiii]; certaines vont au-devant de la mort pour rester en vie; certaines invitent le danger en cherchant un kô.

Lorsque les armées s'engagent et que les deux s'affrontent, arrêtez la bataille et étudiez attentivement. Renforcez les groupes faibles, car les plus faibles seront attaqués en premier. Même si les groupes forts sont autosuffisants, construisez toujours du territoire. Il faut empiéter sur les groupes faibles, car l'empiètement apporte des profits. Ne fortifiez pas inutilement les groupes vivants. N'essayez pas de sauver des pièces déjà mortes. Ne coupez pas deux groupes vivants. Ne liez pas deux groupes morts. Il n'y a aucun avantage à créer des liens entre eux, et la coupe perd son sens. Au Go, il y a la notion de «perdre un» et de «jouer pour en gagner deux». Si vous entrez dans les zones de [votre adversaire] et attaquez ses frontières, vous serez souvent sente[xiv].

Chaque fois qu'il y a une situation de ko, celui qui a  créé le premier la forme a un avantage stratégique; celui qui est désavantagé est le plus faible qui ne l'a pas fait. Si la planification est excellente, alors on peut sauver [les pièces] de l'extérieur; mais s'il n'y a que des opportunités mineures, il faut rationnellement garder la main.

Bien que cet essai soit court et maladroit, il peut refléter le schéma des situations. Ceux qui jouent en conséquence resteront en vie sans perdre.

 

La section 2 explique les stratégies associées aux échelles.

 

La section 3 勢用examine les bonnes et mauvaises formes des groupes de pierres et donne des exemples de formes vivantes ou mortes et note par exemple que le 4-courbés dans le coin est mort à la fin de la partie (角傍曲四,局竟乃亡)

La section 4 像名explique le symbolisme du plateau de go et les noms symboliques donnés à différentes position sur le jeu. Par exemple, les pierres de go sont rondes en imitation au ciel et le plateau est carré comme la terre : les 361 intersections sur le plateau reflètent la division de l’écliptique (en 365 jours) (碁子圓以法天,碁局方以類地。碁有三百六十一道,倣周天之道數). La mention explicite des 361 intersections montre que l’auteur du manuel était habitué au jeu 19*19 et non au plus ancien jeu 17*17 dont l’évidence archéologique remonte à la fin de l’époque Han ( - 206 à 220)  et aux peintures antérieures au milieu du 8è siècle.
Section 4
Bien qu'il soit écrit 碁有三百道 il faut comprendre 碁有三百六十一道 qui explicite le nombre 361 d'intersections du plateau


 

La section 5 釋圖勢篇 exprime l’importance des diagrammes de go pour maitriser le jeu. Il n’y a aucun exemple de diagrammes mais Cheng Enyuan (1917-1989) suggère que le texte original a pu inclure un ensemble de diagrammes illustrant de positions et des stratégies du jeu.

La section 6 碁制篇explique les règles de conduit lorsque l’on joue au go, par exemple en notant que lorsqu’une pierre a été jouée, elle ne peut être déplacée (下子之法,不許再移). Cheng Enyuan notes que cette section est très difficile à comprendre parce qu’elle utilises de termes techniques obscurs et mentionne quelques pratiques obsolètes qui n’existent pas dans le go moderne.

 En particulier, on fait référence plusieurs fois à l’utilisation de baguettes de comptage (Chinois: pinyin: chóu), mais leur rôle exact pour le jeu est incertain.

La section 7 部袠篇explique la classification des diagrammes de go en quatre catégories : parties célèbres, techniques astucieuses, bataille de kô et séki,  formes de vie et mort. Sont mentionnés 13 diagrammes de parties de go de la dynastie Han et 24 diagrammes de parties de Wu Est. Cela suggère qu’il y a eu une collection de parties anciennes de go, dont le seul exemple restant est une partie réputée jouée entre Sun Ce (175–200) et Lü Fan (mort en 228).

A la suite du texte principal, il y a une section non numérotée intitulée « Techniques des défauts de go » " (碁病法), qui apparaît être un texte inconnu avant que le scribe ne l’ai ajouté. Cheng Enyuan suggère que cette section comprend en fait deux extraits séparés d’écrits dont le premier serait les « Défauts au go » (碁病) et le second « Techniques au Go » (碁法).

La partie « Défauts au go » discute trois mauvais défauts lorsque l’on joue au go (rester trop près du bord et des coins, répondre maladroitement aux coups de l’adversaire et permettre que les groupes soit coupés entre eux) et deux type de jeu peu soigneux ( jouer une pierre rapidement sans réfléchir, essayer de sauver un groupe mort) et également deux façons de rester vivant ( sortir dans le centre ; se connecter dans toutes les directions) et deux bonnes habitudes (ne pas être gourmand dans une position faible ; ne pas être timide dans une position forte). Cheng pense que la partie « techniques au go », qui est écrite dans un style différent et qui sont des discussions plus fouillées de la stratégie au go pourrait être un extrait d’un traité de go de l’empereur Wu de Liang (464–549) dont sont enregistrés plusieurs ouvrages écrits sur le go.

Ensuite, il y a un court texte de 16 lignes, intitulé « commentaire essentiel sur le go » (Chinois: 碁評要略pinyin: qípíng yàolüè), attribué à l’empereur Wu de Liang, qui donne quelques conseils stratégiques généraux sur la façon de jouer. Bien que les commentaires de l’empereur Wu soient mentionnés dans les bibliographies depuis la dynastie Tang à la dynastie Ming, aucun texte existant n’en est connu et le bref extrait à la fin du manuscrit de Dunhuang est tout ce qui reste de cet ancien traité de go.

 

Fin du manuscrit

Références :

 


[i] Le jeu s’appelle weiqi en chinois, le premier caractère du titre est une variante du qi, prononcé go au Japon. Étant donné que la plupart des francophones familiers avec le jeu l'ont étudié avec la terminologie japonaise, par souci de clarté, j'utilise Go au lieu de weiqi et j'essaie d'appliquer les termes japonais appropriés le cas échéant.

[ii]  Une clé est que les pièces noires ne sont pas appelées «pièces noires» 黑子, mais «pièces de corbeau» . Cheng a découvert que «noir» faisait partie du nom d'enfance de l'un des empereurs du Zhou Nord. Traditionnellement, on ne peut pas utiliser un caractère dans un nom d'empereur par respect, et doit donc substituer un autre caractère à celui qui doit être évité. Dans le Zhou Nord, «Rivière noire» et «Montagne noire» étaient appelés «Rivière corbeau» et «Montagne corbeau» pour éviter le caractère tabou «noir». Cheng Enyuan, Dunhuang Qi Jing Jian Zheng [Un examen du "Classique de Go" de Dunhuang] Chengdu: Shu Rong qi yi chu ban she: Sichuan sheng xin hua shu dian fa xing, 1990), 95

[iii] Anonymous, "敦煌棋 經," CCC Yenching College, http://go.yenching.edu.hk/dh_txt1.htm. https://web.archive.org/web/20110721092032/http://go.yenching.edu.hk/dh_txt1.htm

[iv] Toutes les sources s'accordent à dire qu'il manque du texte. Cheng Enyuan suggère que, sur la base de la longueur moyenne des chapitres suivants, ce n'est pas plus de 3 à 5 lignes de texte - environ 45 à 75 caractères. Cheng, 67.
[v]  La référence «Ping» semble être la figure de Chen Ping, de la fin du Qin-Early Han, qui fut l’un des compagnons de Liu Bang dans les guerres pour l’établissement de la dynastie Han. Ibid., 68.
[vi] Le caractère original n'est pas clair. Cheng suggère qu'il s'agit d'une variante dedans le Zhou du Nord. Ibid., 70.

[vii] Ici, shi() est traduit par “avantage stratégique” selon la traduction proposée par Roger Ames dans l’Art de la guerre de Sun Tsu (New York: Ballantine Books, 1993). Le terme est cependant à plusieurs sens. Comme Ames l’écrit : « Nous devons nous efforcer de comprendre comment « shih » combine dans une seule idée un groupe de significations :

1)       Aspect, situations, circonstances, conditions

2)    Disposition, configuration, forme extérieure

3)    Force, influence, initiative, autorité

4)    Avantage stratégique, achat

John Fairbairn a suggéré "forte position" comme une traduction alternative de ce terme, établissant un lien plus clair avec les formes. Le point clé est que ce terme indique un avantage temporaire dans une position spécifique à un moment spécifique. L’avantage stratégique peut être augmenté ou perdu alors que la partie avance ; par conséquent le timing est important. Dans le chapitre intitulé «Avantage stratégique», Sun Tzu a écrit: «Le fait que la vitesse de l'eau en cascade peut envoyer des rochers débouler est dû à son avantage stratégique. Qu'un oiseau de proie quand il frappe peut écraser sa victime en morceaux est dû à son timing. C’est donc dans l’expertise du combat que l’avantage stratégique est canalisé et son timing est précis. L’avantage stratégique est bandé comme une arbalète et le timing consiste à relâcher la détente. ». En commentant ce terme, Wang Xi a écrit que l’avantage stratégique « se réfère aux fluctuations dans l’accumulation d’avantage stratégique. L'expert au combat est capable d'utiliser l'avantage stratégique pour remporter la victoire sans mettre sa force à l'épreuve.»( Sun Tzu, Sunzi shijia zhu [Commentaires de dix Maîtres sur l’art de la guerre], vol. 6 de Zhu Zi Ji Cheng [Ensemble de commentaires de divers maîtres] (Beijing: Zhong hua shu ju: Xin hua shu dian Beijing fa xing suo fa xing, 1954; réimpression, 1990).  L'avantage stratégique dépend de la constitution de formes appropriées qui resteront vivantes tout en favorisant un nouvel empiètement. Pour souligner peut-être cela, les commentaires sur le Sun Tzu notent que le chapitre «Avantage stratégique» suit logiquement le chapitre «Positions stratégiques» ()
 
[viii] Selon Cheng, 多  est une erreur d'écriture pour 少, étant donné les phrases similaires dans les chapitres suivants et d'autres textes de Go. 貪則多敗,怯則少功
[ix] Cette ligne souligne la divergence entre le Go et les idéaux confucéens, qui appellent à des actions simples basées sur des principes moraux. Par conséquent, certains confucéens, dont Confucius, considéraient le Go comme une perte de temps, ou pire.

 

[x] En 661 avant JC, le duc Xian de Jin a payé le duc de Yu pour obtenir la permission d'envoyer l'armée de Jin par Yu pour attaquer l'état de Guo, ce qu'il a fait avec succès. En 654 avant JC, le duc Xian a de nouveau persuadé le duc de Yu de donner à l'armée Jin le droit de passer par Yu pour attaquer et détruire Guo. Après avoir accompli cela, l'armée Jin est revenue, a occupé Yu et l'a annexée. James Legge, éd. Les Ch'un Ts'ew avec les Tso Chuen (Taipei: SMC Publishing Inc., 1990), 145-7. Le fait étant que le duc de Yu n’a pas soupçonné d'arrière-pensée dans la demande de Jin pour obtenir la permission d'envoyer son armée par Yu.

 

[xi]    Le manuscrit indique " 诸葛   ." Beaucoup lisent Qiu comme une variante de soldats, donc "comme l'utilisation de soldats par Zhuge [Liang]." Cheng soutient qu'en fait, une signification obscure de Qiu est "vide", et que cela indique l'une des stratégies les plus trompeuses et les plus réussies employées par Zhuge Liang dans la Romance des trois royaumes. Cheng Enyuan, Dunhuang Qi Jing Jian Zheng, 79-80. Dans un cas où son armée avait été mise en déroute, Zhuge Liang savait que la ville où il se trouvait ne pourrait pas repousser une attaque. Il s’assit donc au-dessus de la porte de la ville, jouant de la cithare (qin), ouvrit les portes et demanda aux paysans de balayer tranquillement les rues. Quand l’attaque arriva, le général adverse pensa que c’était une ruse de la savamment planifiée par Zhuge et se retira. Voir Guanzhong Luo, Three Kingdoms: China's Epic Drama, traduction de Moss Roberts, 1ère éd. (New York: Pantheon Books, 1976), 285-89.

 

[xii]   On ne sait pas si le manuscrit dit «encerclement» ou «État».

 

[xiii]   Le deuxième chapitre de cet écrit est consacré à la stratégie de  l’échelle ().

 

[xiv] Ici, le caractère chinois  est le même que le terme japonais Go «sente», qui pourrait être traduit initiative

 




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Dernière modification le 29/11/2012