Wagahai wa neko de aru.
D'après la traduction de Jean Cholley
Extraits du texte français seuls - Texte Japonais seul
Le chapitre 11 relate une partie de Go chez le professeur Kushami
Chapitre 11 Meitei et Dokusen sont assis face à face devant l'alcôve, un goban placé devant eux. - Nous n'allons pas jouer pour rien. Celui qui perd paie quelque chose. D'accord? insiste Meitei, et Dokusen répond, en tiraillant sa barbiche comme d'habitude : - Une telle pratique souillerait la pureté du jeu, qui, en plus, perd son intérêt si on se préoccupe de questions d'argent au détriment de la réflexion. Ne nous soucions pas de gagner ou de perdre, mais faisons cette parti d'un cœur hardi, comme si nous sortions d'une caverne pour nous retrouver sous les nuages blancs de la nature, car c'est à cette condition que nous goûterons la pleine saveur du jeu. - Te voilà reparti! Tout ne va pas sans mal avec un ermite comme toi. On te croirait sorti du Récit des Soixante et Onze Ermites.[1] - Il faut en revenir à l'harmonie de la nature, aussi délicate qu'une note de harpe sans cordes. - Tu veux faire un jeu de mots avec "télégraphie sans fil"?[2] - En tous cas, commençons. -Tu prends les blancs? - N'importe lesquels. - Ta qualité d'ermite t'élève au dessus de ces choses, bien sûr. Si tu prends les blancs, il résulte que les noirs me reviennent. Bien, commence! Attaques où tu veux! - La règle est que les noirs ouvrent le jeu. - Très bien. Alors je vais être modeste et commencer ici, selon les règles. - Les règles ne disent pas que tu peux faire cela! - C'est sans importance. C'est une règle récemment inventée. Le monde dans lequel je vis est petit et il n'y a pas longtemps que j'ai vu pour la première fois un goban. Plus j'y réfléchis, plus je le trouve drôle. C'est une planche carrée et étroite qu'on a découpée en lignes serrées les unes contre les autres, et on range sur le tout une multitudes de pierres blanches et noires à donner la nausée. Les joueurs s'excitent là-dessus en transpirant abondamment, à grands cris de "j'ai gagné! Tu as perdu! Tu es pris! Je suis dégagé!" Tout cela pour un carré de 30 cm de côté environ, qui devient un capharnaüm quand une patte de chat mélange les pierres. Ces herbes forment une hutte quand on les assemble, et redeviennent une lande désolée quand on les sépare.[3] C'est un amusement sans aucune utilité. Il est bien plus agréable de rester les bras croisés à regarder les autres jouer. L'arrangement des pierres n'est pas trop désagréable à voir jusqu'au trente ou quarante premiers coups, mais quand on arrive au moment décisif, quel pitoyable spectacle! Les pierres noires et blanches sont entassées à déborder, et elles sont pressées les unes contre les autres qu'in croit les entendre craquer. Elles ne peuvent pas demander aux pierres voisines de leur faire un peu de place, elles n'ont pas le droit d'ordonner aux pierres devant eux de dégager les lieux, elles ne peuvent que se faire tout petit, sans bouger, en se résignant à leur sort. Ce sont les hommes qui ont inventé ce jeu, et si on admet que leurs goûts se révèlent sur le goban, on peut dire que la destinée restreinte des pierres symbolise l'esprit étriqué des hommes. Si on admet encore que les pierres donnent une idée de l'état d'esprit des humains, on est conduit à penser que ceux-ci aiment à réduire le ciel immense et la mer illimitée à leur mesure, et à chercher mille artifices pour se mesurer un domaine d'où ils ne pourront plus bouger d'un seul pas. On peut caractériser les hommes en un mot : ce sont des êtres qui recherchent les tourments par plaisir. Meitei le nonchalant et Dokusen à l'esprit plein de Zen ont tiré pour je ne sais quelle raison un vieux goban du placard et ils se sont lancés dans ce jeu étouffant. La rencontre de ces deux personnages a produit au début du jeu où chacun prenait les positions qu'il voulait, et les pierres se mêlaient librement sur le goban ; mais les dimensions de celui-ci sont limités, et comme les lignes se remplissent à chaque passe, il est naturel que les mouvements deviennent de plus en plus difficiles, même pour des esprits nonchalant ou pleins de Zen. - Meitei, tu ignores toutes les règles! Tu n'as pas le droit de poser tes pierres ici. - C'est peut-être interdit sans le go des moines bouddhistes, mais ce coup existe dans l'école Honinbô.[4] - Mais tu places tes pierres dans une position morte, où ils ne peuvent que se faire prendre. - Je ne crains pas la mort, et encore moins une tranche de porc[5]. Je vais essayer ce coup. - Bien, faites donc, mon cher. Une brise parfumée souffle de sud , apportant un peu de fraîcheur dans le palais. Il me suffit de continuer de cette façon et tout sera bien. - Hé, tu as continué! Je t'admire, car je ne pensais pas que tu suivrais. Ah, ne faites pas sonner la cloche de Hachiman[6]... Comment vas-tu parer ce coup? - La question ne se pose même pas. Le sabre froid levé dans le ciel[7]... Ah cela m'ennuie, je vais couper ici. - Eh, mes pierres sont mortes si tu me coupes ici. Arrête-toi! Attends! - Je te dis depuis tout à l'heure que tu ne peux pas entrer dans une concentration pareille. - Je vous en demande profondément pardon. Enlève cette pierre blanche, s'il te plaît. -
Tu restes en attente? -Et
par la même occasion, ôte également celui qui est à côté. -Tu
ne manques pas de toupet! -Voyons,
entre nous, qu'est ce que cela peut faire? Sois gentil et ôte ce
pion. C'est une question de vie ou de mort. C'est le moment où
j'arrive en scène en demandant d'attendre un peu.[1] -Je
ne veux rien savoir de tout cela -
Cela ne fait rien, enlève ton pion. -
Voilà la sixième fois que tu me fais ce tour. -Tu
as bonne mémoire. Je vais te faire ce tour bien d'autres fois
encore. Je te dis d'enlever ce pion! u es vraiment têtu. Tu
devrais avoir l'esprit un peu vif avec la méditation que tu fais. -
Mais si je ne prends pas ce pion, je vais perdre... -Tu
dois être indifférent à la défaite, non? -
Oui, je le suis, mais je ne veux pas te laisser gagner. -
Eh bien, pour un
homme en possession de la vérité, tu me surprends! Tu coupes l'éclair
pendant l a brise du printemps, n'est-ce pas? -
Non tu cites à l'envers. C'est "couper la brise du printemps
pendant le temps d'un éclair". -
Ha ha ha! Je croyais le moment arrivé pour te faire réciter cela
de travers, mais tu as encore ta tête à toi. Dans ce cas,
j'abandonne. -
Oui, cela vaut mieux. L'impermanence approche à grands pas dans
le drame de la vie et la mort. -Amen, dit Meitei en lançant un pion dans un endroit où il n'a vraiment rien à faire.
[1]Biographie et éloge de 71 ermites chinois compilée à l'époque Han. [2] Une certaine similitude phonétique entre les mots mugen no sakin("harpe sans corde" et musen no denshin ("télégraphie sans fil") donne à Meitei l'occasion de faire un à-peu-près. [3]Verset didactique (gatha) très connu, qu'on trouve dans divers recueils de sentences de la secte zen. Le sens est que tous les phénomènes, y compris l'homme, ne sont qu'un assemblage temporaire d'agrégats sans existence indépendante, qui retournent à un état non organisé lors de la disparition des phénomènes, en attente d'une autre formation. [4]Une des écoles principales de jeu de go, qui a produit tant de grand maîtres que son nom est devenu synonyme d'excellence. [5]Allusion à un passage des Annales chinoises. Un guerrier qui avait provoqué l'admiration de son hôte autant que pour sa résistance à l'alcool, fut invité à manger de la viande de porc. Il s'en coupa une tranche avec son sabre, et, invité à boire de nouveau, il répondit : " Un guerrier ne craint pas la mort : comment pourrais-je reculer devant une coupe de vin?" [6]La cloche de Hachiman était la cloche du temple du dieu de la Guerre Hachiman, qu'on utilisait pour sonner les heures à l'époque d'Edo. Un chant populaire de l'époque, "la Cloche de Hachiman", dit : "Ah, ne faites pas sonner la cloche de Hachiman, car mon amour va se réveiller..." [7]Menacé par une attaque de l'armée mongole, le Premier ministre Hôjô Tokimune n'arrivant pas à prendre une décision, le moine Mugaku lui dit : "Une fois qu'on a tranché la tête de l'ennemi, seul demeure le sabre froid dressé dans le ciel", voulant dire qu'il faut se débarrasser de toute préoccupation concernant la mort. [8]Dans la pièce de kabuki, Un instant, le héros entre en scène en disant ces mots, ce qui sauve un condamné sur le point d'être exécuté. |
十一 吾輩は世間が狭いから碁盤と云うものは近来になって始めて拝見したのだが、考えれば考えるほど妙に出来ている。広くもない四角な板を狭苦しく四角に仕切って、目が眩むほどごたごたと黒白の石をならべる。そうして勝ったとか、負けたとか、死んだとか、生きたとか、あぶら汗を流して騒いでいる。高が一尺四方くらいの面積だ。猫の前足で掻き散らしても滅茶滅茶になる。引き寄せて結べば草の庵にて、解くればもとの野原なりけり。入らざるいたずらだ。懐手をして盤を眺めている方が遥かに気楽である。それも最初の三四十目は、石の並べ方では別段目障りにもならないが、いざ天下わけ目と云う間際に覗い
て見ると、いやはや御気の毒な有様だ。白と黒が盤から、こぼれ落ちるまでに押し合って、御互にギューギュー云っている。窮屈だからと云って、隣りの奴にど
いて貰う訳にも行かず、邪魔だと申して前の先生に退去を命ずる権利もなし、天命とあきらめて、じっとして身動きもせず、すくんでいるよりほかに、どうする
事も出来ない。碁を発明したものは人間で、人間の嗜好が局面にあらわれるものとすれば、窮屈なる碁石の運命はせせこましい人間の性質を代表していると云っても差支えない。人間の性質が碁石の運命で推知する事が出来るものとすれば、人間とは天空海濶の世界を、我からと縮めて、己れの立つ両足以外には、どうあっても踏み出せぬように、小刀細工で自分の領分に縄張りをするのが好きなんだと断言せざるを得ない。人間とはしいて苦痛を求めるものであると一言に評してもよかろう。 呑気なる迷亭君と、禅機ある独仙君とは、どう云う了見か、今日に限って戸棚から古碁盤を引きずり出して、この暑苦しいいたずらを始めたのである。さすがに御両人御揃いの事だから、最初のうちは各自任意の行動をとって、盤の上を白石と黒石が自由自在に飛び交わしていたが、盤の広さには限りがあって、横竪の目盛りは一手ごとに埋って行くのだから、いかに呑気でも、いかに禅機があっても、苦しくなるのは当り前である。 |
Dernière mise à jour le 29/11/12
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