Notes de chevet

Choses impatientantes

...

Une fois Tadanobu, le Capitaine et conseiller d'État, vint nous voir avec le Capitaine de la garde du corps Nobukata ; les dames sortirent sur la véranda, et comme nous parlions de choses et d'autres, je demandais tout à coup : " Quel poème chinois direz-vous demain?" Le Conseiller réfléchit un court moment et répondit sans difficulté : " Justement celui où le poète évoque le quatrième mois de ce monde"[1], ce qui nous charma au dernier point. Bien qu'il s'agit d'une chose passée, il lui en était souvenu, et sa réplique semblait vraiment la plus jolie qu'on pût imaginer. Elle était d'autant plus remarquable que si les dames n'oublient jamais rien de pareil, il n'en est généralement pas ainsi des hommes, qui se rappellent souvent mal les poésies mêmes qu'ils ont composées. Il était bien naturel que les jeunes personnes, derrière le store, et Nobutaka, au dehors, restassent sans comprendre ce que Tadanobu avait voulu dire.

Ce même jour le dernier du troisième  mois, les nombreux courtisans qui se trouvaient près de la première porte ouvrant sur le couloir, au Palais Impérial, étaient partis sans faire de bruit, le soir, un par un ; seuls demeuraient le Capitaine sous-chef des chambellans[2], le Capitaine de la famille Minamoto[3] et un chambellan du sixième rang. Ils parlaient de tout, récitaient des passages tirés des livres saints, et des poésies japonaises. A un certain moment, le Capitaine sous-chef des chambellans, après avoir dit que la nuit était finie, et qu'ils devaient se retirer, se mit à déclamer le poème: "Ce qui fait la rosée, ce doit être les larmes de la séparation.[4]" Le Capitaine de la famille Minamoto récitait en même temps que lui, et c'était ravissant. Mais je m'exclamai : "Voilà une tisserande[6] bien pressée!" Le Capitaine sous-chef des chambellans, fort mécontent répliqua : "J'ai dit cela parce que j'ai ressenti, par hasard, une impression pareille à celle qu'on éprouve en pensant à la séparation des étoiles à l'aurore. Il est désolant de se voir ainsi raillé. Quand, sans y avoir longuement réfléchi, on a parlé de choses comme celle-là dans ce Palais, on ne manque pas de le regretter." Cependant le plein jour était venu, et Tadanobu ajouta : "Il n'est maintenant plus possible que le dieu de Kazuragi reste ici." Les trois gentilshommes s'en allèrent en écartant sur leur passage les herbes couvertes de rosée. 

Je comptais dire un mot de notre conversation au Capitaine sous-chef des chambellans quand viendrait la fête de la Tisserande ; mais dans l'entre-temps il devint conseiller d'État ; je songeais que je ne pourrais sûrement pas l'apercevoir en cette occasion, je pensais qu'il me faudrait écrire une lettre, et la lui faire porter par un homme du service domestique. Tadanobu vint pourtant le septième jour du septième mois, et j'en fus ravie. Je me disais cependant : "Comprendra-t-il, si je fais allusion à notre entretien de cette nuit-là? Si je lui en parle vaguement, à l'improviste, il va peut-être incliner la tête d'un air perplexe ; mais s'il ne se souvient pas, je lui rappellerai alors ce qui s'est passé."

Tadanobu me répondit sans la moindre incertitude, et en vérité je trouvai cela charmant. Je songeais que, pour moi, c'était la curiosité qui m'avait fait me demander, durant des jours, quand viendrait l'occasion de lui parler ; mais comment le Conseiller d'État pouvait-il avoir ainsi préparé sa réplique?

Le Capitaine de la famille Minamoto, celui qui avait été mortifié avec lui, se trouvait là ; il ne se rappelait rien, et Tadanobu s'étonna : " Ne savez-vous plus comment elle a critiqué ce que je disais à l'aube, il y a quelque temps?" Le Capitaine répondit que vraiment il l'avait oublié.

Sans que personne pût savoir ce que nous disions, nous parlions, le Conseiller d'État et moi, en nous servant d'expressions comme "L'homme, c'est Chô-Ken", que nous étions seuls à comprendre ; en nous entendant, le Capitaine de la famille Minamoto vint tout près et nous questionna : "Qu'est-ce donc, qu'est-ce donc?" Mais je restai muette ; avec dépit, alors, il pria Tadanobu de lui confier, à la fin, le sujet de notre conversation. Comme ils étaient amis, le Conseiller le renseigna. Pour "Il est devenu familier, sans que l'on puisse le trouver insupportable", nous disions : " C'est comme sur la grand route."

Les jours suivants, le Capitaine de la famille Minamoto, sachant que je connaissais également ce langage, attendit avec impatience une occasion où il pourrait l'apprendre de moi. Une fois il m'appela tout exprès pour me dire : "Y-a-t-il ici un jeu de go ? Que me répondriez-vous si je voulais jouer moi aussi ? Me laisseriez-vous poser les pierres? Je suis de la même force à ce jeu, que le Capitaine sous-chef des chambellans. Ne me délaissez pas. - Si j'étais, ainsi familière avec tout le monde, répliquai-je, j'aurais sans doute une conduite déréglée[5]!" Quand le capitaine de la famille Minamoto en parla au Conseiller d'Etat, celui-ci dit que j'avais fait une charmante réponse, et s'en réjouit fort. Les gens comme lui, qui n'oublient pas les choses passées, plaisent aussi beaucoup.

[1] Poème de Po Kyu-yi. La réponse de Tadanobu rappelle, en même temps que la date du lendemain , celle de la mort de Michitaka (10ème jour du 4ème mois de 995)

[2] Tadanobu : Sei lui donne ici le titre qu'il avait réellement à la date indiquée.

[3] Nobukata

[4]La séparation du bouvier et de la tisserande.    Poème, en chinois, de Sugawara Michizane (845-903)

[5]L'original a ici un calembour : sadame : régler et " séquence fixée (joseki)" qui est un terme du jeu de go

D'après la traduction d'André Beaujard (81)

枕草

こころもとなきもの

 

宰相中將齊信、宣方の中將と參り給へるに、人々出でて物などいふに、ついでもなく、「明日はいかなる詩をか」といふに、いささか思ひめぐらし、とどこほりなく、「人間の四月をこそは」と答へ給へる、いみじうをかしくこそ。過ぎたることなれど、心えていふはをかしき中にも、女房などこそさやうの物わすれはせね、男はさもあらず、詠みたる歌をだになまおぼえなるを、まことにをかし。内なる人も、外なる人も、心えずとおもひたるぞ理なるや。

 この三月三十日廊の一の口に、殿上人あまた立てりしを、やう/\すべりうせなどして、ただ頭中將、源中將、六位ひとりのこりて、よろづのこといひ、經よみ、歌うたひなどするに、「明けはてぬなり、歸りなん」とて、露は別の涙なるべしといふことを、頭中將うち出し給へれば、源中將もろともに、いとをかしう誦じたるに、「いそぎたる七夕かな」といふを、いみじうねたがりて、曉の別のすぢの、ふと覺えつるままにいひて、わ びしうもあるわざかな」と、「すべてこのわたりにては、かかる事思ひまはさずいふは、口惜しきぞかし」などいひて、あまりあかくなりにしかば、「葛城の神、今ぞすぢなき」とて、わけておはしにしを、七夕のをり、この事を言ひ出でばやと思ひしかど、宰相になり給ひにしかば、必しもいかでかは、その程に見つけなどもせん、文かきて、主殿司してやらんなど思ひし程に、七日に參り給へりしかば、うれしくて、その夜の事などいひ出でば、心もぞえたまふ。すずろにふといひたらば、怪しなどやうちかたぶき給はん。

 

さらばそれには、ありし事いはんとてあるに、つゆおぼめかで答へ給へりしかば、實にいみじうをかしかりき。月ごろいつしかと思ひ侍りしだに、わが心ながらすき\しと覺えしに、いかでさはた思ひまうけたるやうにの給ひけん。

 もろともにねたがり言ひし中將は、思ひもよらで居たるに、「ありし曉の詞いましめらるるは、知らぬか」との給ふにぞ、「實にさしつ」などいひ、「男は張騫」などいふことを、人には知らせず、この君と心えていふを、「何事ぞ/\」と源中將はそひつきて問へど、いはねば、かの君に「猶これ の給へ」と怨みられて、よき中なれば聞せてけり。いとあへなく言ふ程もなく、近うなりぬるをば、「押小路のほどぞ」などいふに、我も知りにけると、いつしか知られんとて、わざと呼び出て、「碁盤侍りや、まろもうたんと思ふはいかが、手はゆるし給はんや。頭中將とひとし碁なり。なおぼしわきそ」といふに、「さのみあらば定めなくや」と答へしを、かの君に語り聞えければ、「嬉しく言ひたる」とよろこび給ひし。なほ過ぎたること忘れぬ人はいとをかし。

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre [160、161、162]du Texte complet en Japonais : University of Virginia Library, Japanese text initiative

[6]Le septième jour du septième mois, le 7 Juillet maintenant, c'est au Japon la fête de Tanabata où selon la légende, les étoiles Altaïre et Véga, se rejoignent, séparées en temps ordinaire par la voie lactée ; ces 2 étoiles étaient appelées le bouvier et la tisserande en Chine.

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