Retour au sommaire de l'anthologieCOMPRENDRE LA FIN DE PARTIE (1/5)
André Moussa

Revue Française de Go no.27 (1984)

Cette série d'articles a pour but de combler une des graves lacunes de la majorité des joueurs : la fin de partie.
L'étude du yose est en effet universellement et injustement négligée par toutes les catégories de joueurs, du débutant au joueur " fort ".
Le refus d'étudier le yose est compréhensible : le débutant se sent en général perdu, en fin de partie, au milieu de cet océan hétéroclite et hostile ; n'ayant pas de point de référence, n'ayant pas encore appris à compter une partie, toutes les situations lui semblent nouvelles et il a en général fort à faire avec la survie de ses groupes, qui lui mobilise la majeure partie de son influx nerveux. Le joueur " fort " a, lui, une pratique et une intuition suffisante pour éviter de commettre de grosses erreurs, et préfère l'étude du milieu de partie qui est souvent décisif. Quant au joueur de force moyenne, les parties n'allant généralement pas à leur terme, ou se terminant par un écart important, il ne voit pas bien l'intérêt de l'étude du yose.
Et pourtant ! Combien de fois n'entend-on pas dire au cours d'un tournoi (quelquefois de la part de votre serviteur) : " J'avais de l'avance et j'ai bêtement perdu dans le yose " (sous-entendu, il n'a pas voulu abandonner, le traître ...).
Que cette affirmation ait ou non quelque valeur n'a pas d'importance : elle permet de montrer de toute façon le paradoxe du joueur de go : il admet qu'il a perdu à cause du yose, mais la fois suivante, plutôt que d'y réfléchir, il préférera essayer, en forçant la décision, de s’assurer un avantage encore plus grand en milieu de partie. Affligeant !

L'incapacité moyenne du joueur de go à accepter (quelle honte !) de devoir supporter la fin de partie en totalité afin de concrétiser son avance est souvent liée au peu de confiance qu'il accorde à sa façon de la jouer, et rejaillit de façon déplorable sur son jeu de milieu de partie : toujours plus !

Faisons une petite expérience : qu'appelle-t-on une partie " largement gagnée " ? Disons de quinze à vingt points. Dans une fin de partie normale, on peut compter en général au moins quatre à cinq gros coups de yose (quinze points et plus), une petite dizaine de coups de taille moyenne (de l'ordre de dix points) et une quinzaine de petits coups (cinq points et moins).
Or il est facile, sans étude sérieuse du yose, de se tromper de deux points sur des coups gros ou moyens, et de un point ou un demi-point sur un petit coup de yose. Faites le compte : même en jouant correctement la moitié des coups, on peut très facilement perdre dans le yose plus de quinze points. Maintenant, serez-vous toujours aussi sûr de gagner, après avoir mené " largement " dans le milieu de partie ?

Le yose est un art difficile à pratiquer parfaitement, mais quelques principes relativement simples permettent de s'orienter dans le labyrinthe des coups possibles et de réduire de façon spectaculaire ce déficit de quinze points. Chaque article de cette série sera centré sur un thème, et ce thème sera abordé à deux niveaux, moyen (10-8e kyu) et fort (2-3e kyu), sans aucune prétention de rigueur pédagogique, n'importe qui pouvant (et y étant même vigoureusement encouragé) lire tout ce qu'il veut. La partie de niveau plus élevé sera une prolongation de ce qui est dit dans la partie de niveau moyen.

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