Cette série d'articles a pour but de combler une
des graves lacunes de la majorité des joueurs : la fin de partie.
L'étude du yose est en effet universellement et injustement
négligée par toutes les catégories de joueurs, du débutant au joueur
" fort ".
Le refus d'étudier le yose est compréhensible : le débutant
se sent en général perdu, en fin de partie, au milieu de cet océan
hétéroclite et hostile ; n'ayant pas de point de référence, n'ayant
pas encore appris à compter une partie, toutes les situations lui
semblent nouvelles et il a en général fort à faire avec la survie
de ses groupes, qui lui mobilise la majeure partie de son influx nerveux.
Le joueur " fort " a, lui, une pratique et une intuition
suffisante pour éviter de commettre de grosses erreurs, et préfère
l'étude du milieu de partie qui est souvent décisif. Quant au joueur
de force moyenne, les parties n'allant généralement pas à leur terme,
ou se terminant par un écart important, il ne voit pas bien l'intérêt
de l'étude du yose.
Et pourtant ! Combien de fois n'entend-on pas dire au cours d'un
tournoi (quelquefois de la part de votre serviteur) : " J'avais
de l'avance et j'ai bêtement perdu dans le yose " (sous-entendu,
il n'a pas voulu abandonner, le traître ...).
Que cette affirmation ait ou non quelque valeur n'a pas d'importance :
elle permet de montrer de toute façon le paradoxe du joueur de go
: il admet qu'il a perdu à cause du yose, mais la fois suivante,
plutôt que d'y réfléchir, il préférera essayer, en forçant la décision,
de s’assurer un avantage encore plus grand en milieu de partie. Affligeant
!
L'incapacité moyenne du joueur de go à accepter (quelle
honte !) de devoir supporter la fin de partie en totalité afin de
concrétiser son avance est souvent liée au peu de confiance qu'il
accorde à sa façon de la jouer, et rejaillit de façon déplorable sur
son jeu de milieu de partie : toujours plus !
Faisons une petite expérience : qu'appelle-t-on une
partie " largement gagnée " ? Disons de quinze à vingt points.
Dans une fin de partie normale, on peut compter en général au moins
quatre à cinq gros coups de yose (quinze points et plus), une
petite dizaine de coups de taille moyenne (de l'ordre de dix points)
et une quinzaine de petits coups (cinq points et moins).
Or il est facile, sans étude sérieuse du yose, de se tromper
de deux points sur des coups gros ou moyens, et de un point ou un
demi-point sur un petit coup de yose. Faites le compte :
même en jouant correctement la moitié des coups, on peut très facilement
perdre dans le yose plus de quinze points. Maintenant, serez-vous
toujours aussi sûr de gagner, après avoir mené " largement "
dans le milieu de partie ?
Le yose est un art difficile à pratiquer parfaitement,
mais quelques principes relativement simples permettent de s'orienter
dans le labyrinthe des coups possibles et de réduire de façon spectaculaire
ce déficit de quinze points. Chaque article de cette série sera centré
sur un thème, et ce thème sera abordé à deux niveaux, moyen (10-8e
kyu) et fort (2-3e kyu), sans aucune prétention de rigueur
pédagogique, n'importe qui pouvant (et y étant même vigoureusement
encouragé) lire tout ce qu'il veut. La partie de niveau plus élevé
sera une prolongation de ce qui est dit dans la partie de niveau moyen.
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