Le jeu de Go (Baduk) en
Corée du Sud |
Article paru en septembre 1999
dans la revue "Mutations Asiatiques" |
Qu´est-ce que le jeu de
Go ? Pour jouer au Go, choisissez un bois noble et clair,
finement veiné, dans lequel vous découperez un plateau rectangulaire
d´une bonne épaisseur. Tracez sur celui-ci une grille de 19 lignes
sur 19. Du même bois, façonnez deux bols qui accueilleront
respectivement 181 pierres de verre noir et leurs 180 pierres
blanches jumelles. Asseyez-vous en tailleur devant le jeu, prenez
délicatement une pierre entre la majeur et l´index et posez là à
l´intersection de deux lignes, n´importe laquelle, celle qui vous
plaît. Ecoutez alors le claquement sourd du verre sur le bois : vous
voilà devenu joueur de Go, ou presque... La simplicité du
matériel contraste singulièrement avec le front barré des deux
protagonistes que vous ne manquerez pas de rencontrer dans un club.
Manifestement, ils réfléchissent, calculent, imaginent des scénari,
échafaudent une stratégie. Les pierres noires et blanches se
succèdent ; l´une d´elle claque plus fort que les autres, menaçante,
et l´adversaire se rembruni. Quelques pierres disparaissent du
plateau. Pourtant, des zones se dessinent peu à peu. Vous commencez
à saisir le but du jeu : encercler un territoire plus vaste que
celui de l´adversaire, en ayant pour seule arme la capacité de "
manger " ses pierres en les étouffant.
Les origines
: On dit que le jeu de Go serait né au Tibet, il y a
environ 4 000 ans, où il n´aurait d´abord eu qu´un intérêt pratique
(une sorte de boulier?). A l´âge honorable de 1 000 ans, suivant les
migrations tibétaines, il serait entré en Chine où on le nomma
Wei-Chi. Son apparition en Corée, où il porte le nom de Baduk, reste
tout aussi mystérieuse que sa naissance. Deux hypothèses sont
généralement admises : la plus ancienne remonterait à 1122 avant
J.-C.; Qija, qui mena une vague d´immigration vers le bassin de
Taedong, l´aurait amené avec lui. La seconde, plus tardive, indique
que le jeu fut importé en même temps que le reste de la culture
chinoise lors de l´invasion de l´an 109 avant J.-C. Dans un cas
comme dans l´autre, rien ne permet d´affirmer que le jeu faisait
réellement partie des bagages des conquérants... On retrouve
pourtant de sérieuses références au jeu de Go dans l´Histoire des
Trois Royaumes qui relate les guerres entre Koguryo, Paecke et
Silla, au Vème siècle après J.-C.. Le roi de Koguryo, Koryon, envoya
un espion à Paecke (l´actuelle Séoul) qui réussi à s´infiltrer
auprès du roi Yogyong grâce à leur amour commun du jeu de Go. On a
également retrouvé un poème à Silla datant de 737 après J.-C.. La
première preuve matérielle est datée de 880 après J.-C. : il s´agit
d´un plateau de jeu retrouvé dans le temple de Hae-In. Jusqu´en 1
400 après J.-C., la pratique du jeu resta confinée à la famille
royale et à quel nobles privilégiés. Elle s´étendit ensuite dans les
milieux intellectuels (en particulier le clergé) où le baduk était
considéré comme un art majeur. A cette époque, le jeu de Go était
souvent cité dans la littérature coréenne et faisait l´objet de
nombreux poèmes.
Aujourd´hui... ...le
"Baduk" fait partie intégrante de la culture coréenne. Dans chaque
université, dans la plupart des entreprises, il existe un club. De
nombreux quotidiens publient des parties de professionnels et la
télévision consacre au baduk des émissions hebdomadaires. On parle
de 8 millions de joueurs officiels; plus probablement, près de 40%
de la population joue régulièrement. La fédération coréenne de Go
(Hankuk Kiwon, Voir encadré) fut créée en 1945.
|
HanKuk KiWon : la
fédération coréenne de Baduk C´est en 1945, après
le départ de l´occupant japonais, que M. Cho Nam Cheol créa
l´ancêtre de la fédération actuelle, la "HanSung Kiwon". En
1954, la " HanKuk KiWon " voyait le jour et la première partie
officielle de joueurs en dan (niveau élevé) fut jouée en
1955. Depuis 1967, la Hankuk Kiwon édite une revue
mensuelle appelée "Baduk". Depuis 1983, M. Kim Woo Jung,
par ailleurs P.D.G. de Daewoo, est président de la Hankuk
Kiwon. La première relation entre la Fédération Française
de Go(1) et la Hankuk Kiwon date de 1984 où, sous l´impulsion
de M. Kim Woo Jung, elle fut établie sous la forme d´un
échange de deux joueurs coréens, invités au tournoi de Paris,
et d´un joueur français, invité en
Corée.
| |
Dans chaque ville existe un
"Kiwon" (club de Go) où les passionnés se retrouvent. Chacun peut,
moyennant finance, venir se mesurer aux meilleurs joueurs et les
résultats des parties font même parfois l´enjeu de paris. Le
niveau des joueurs se mesure sur une échelle décroissante de 18 Keub
à 1er Keub puis croissante de 1er dan à 9e dan (joueurs
professionnels). Le niveau moyen de la population a
considérablement augmenté ces dernières années et le Go coréen
occupe aujourd´hui une place de choix sur la scène internationale
(Voir encadré), allant même jusqu´à supplanter le Japon, longtemps
"leader" mondial.
|
La Corée, au premier
rang mondial du jeu de Go ? Parallèlement à l´essor
économique qu´a connu la Corée du Sud, le jeu de Go s´est
développé à un rythme étonnant ces dernières années. Un
véritable protectionnisme (Pachinto, Majong et Poker sont
interdits et les " Kiwon " ne sont pas soumises à l´impôt) a
favorisé l´émergence de joueurs de plus en plus forts en
particulier dans le monde des professionnels. Le meilleur
exemple est celui de Lee Chang Ho, joueur coréen de 23 ans. Il
domine la scène internationale depuis plus de 7 ans (gagnant 5
des 9 tournois internationaux les plus prestigieux en 1999)
après avoir gagné les plus grands titres coréens dès l´âge de
16 ans (Cette année, il est le vainqueur de 9 tournois parmi
les 13 plus réputés de son pays). Ce cas n´est pas une
exception puisque ses compatriotes, tels que Cho Hun Yun et Yu
Chang Hiuk, ont également d´excellent résultats dans les
tournois internationaux. Les amateurs ne sont pas en reste :
c´est un joueur coréen de 19 ans qui vient de remporter le
championnat du monde. Profitant par ailleurs de
l´affaiblissement de ses voisins japonais et chinois en terme
de jeu de Go (le Japon cédant à une société modernisée de
consommation et la Chine n´étant pas encore suffisamment forte
économiquement pour que le " Wei-Chi " y connaisse un
véritable essor), la Corée du Sud a lancé 2 nouveaux titres
internationaux : la coupe Samsung et la coupe LG (grands
conglomérats coréens). Parmi tous les tournois existants, la
coupe Samsung vient au premier rang mondial en terme de
dotation (400 000 US$), la coupe LG est 3ème (28 millions de
yens) et on compte encore 3 tournois coréens prépondérants de
la 5ème à la 7ème place.
| |
C´est d'ailleurs un joueur
coréen, Maître Lim Yoo Jong, qui, venu faire ses études à Paris,
amorça le développement du jeu en France dans les années 70 en
initiant de jeunes étudiants passionnés. C´est lui qui forma la
première génération des meilleurs joueurs français et son savoir est
toujours très respecté aujourd´hui dans le monde du Go français qui
compte quelques 2000 joueurs officiels.
|
début
de la page |
|
(1) F.F.G. B.P. 95 75262
Paris Cedex 06
Sources : HanKuk KiWon (M.
Pio) Ahn Sang Keun John Fairbairn "Origin of Go in
Korea" Revue Française de Go
| |