L'incident du Mannen-kô
La Nihon-Kiin fut créée moins d’un an après le grand tremblement de terre de Tokyo, le 1er Septembre
1923. Ses activités commencèrent le 23 Juillet 1924. Dans
les années qui ont suivi, un système de promotion des joueurs
professionnels se mit en place connu sous le nom de Jôshiki Téai. En
1926, le journal Asahi décida de devenir le sponsor du tournoi de
classement et celui-ci prit le nom de Oteaï
(grand tournoi).
Pour améliorer sa popularité, il adopta le système utilisé pour le Sumo
;
chaque année deux sessions se tenaient, l’une au printemps, l’autre en
automne où s’affrontaient deux équipes baptisées Est et Ouest. Il y
avait un gros prix pour l’équipe victorieuse et des prix pour les deux
meilleurs joueurs
individuels.
Le système se mit en place au printemps 1927 et se révéla fort
populaire. Un problème survint cependant lors de la session de
l’automne 1928.
Un mannen-kô, littéralement kô de 10000 ans, survint dans le match qui
opposait le capitaine de l’équipe Est, Kensaku Ségoé 7-Dan et
un joueur de l'Ouest Shigéyuki Takahashi 3-Dan. Takahashi jouait avec
deux pierres de handicap et perdait largement mais il continua à jouer
jusqu’à la fin de la partie compte tenue de la présence d’un kô en A.
La partie
au format sgf.
Il est fort difficile pour chacun des deux joueurs de démarrer ce type de kô qui sont donc laissés pour la fin de la partie.
Naturellement, Blanc ne souhaite pas démarrer le kô, puisqu’il
risquerait alors de perdre son groupe. Si Noir prend le kô, puis bouche
une des libertés internes, ce sera maintenant au Blanc de reprendre.
Si on appliquait les règles de la Nihon-Kiin promulguées en 1949, si ni
l’un ni l’autre ne commencent la bataille de kô, Noir doit capturer en
"a" et boucher le kô pour transformer la situation en séki. A cette
époque, il n’était pas clair que jouer dans cette situation soit
obligatoire pour que la partie soit finie. Takahashi déclara que
puisque le kô n’était pas bouché, la partie n’était pas finie mais il
refusa de capturer le kô.
Ségoé aurait du déclarer la partie finie mais il fit l’erreur de
boucher les points damé qui ne sont pas considérés comme faisant partie
du jeu au Japon et s’attendait à ce que Takahashi en finisse avec ce kô.
La querelle fut envenimée parce que d’autres membres de l’équipe Ouest
s’en mêlèrent. Comme aucune conclusion ne pouvaient être atteinte, le
cas fut soumis à un jury d’arbitrage réuni pour l’occasion. Toutes les
parties de l’Oteaï furent interrompus pendant un mois. Le verdict du
jury : Blanc gagne mais Noir ne perd pas. La décision du jury était
plutôt d’ordre politique et évita de se confronter au problème posé par
le défaut de règles. A cause de cet incident, on décida d’abolir le
système de confrontation Est-Ouest, car il exacerbait les rivalités
entre les joueurs. A partir de 1929, l’Oteaï devint un match qui
opposait uniquement deux joueurs.
Ce n’est qu’en 1949 que les règles de la Nihon-Kiin précisèrent qu’elle aurait dû être la solution à cette
situation : si à la fin de la partie aucun des deux joueurs n'a lancé le kô,
la situation est séki.
Dernière mise à jour le 29/11/12