Histoire du go au
Japon - Honinbo Shusai
En 1906, Shuei
devint Meijin, mais fut immédiatement défié pour un
match par Iwasaki Kenzo, 8 dan, le président de la Hoensha (Société du
Carré et du Cercle), qui avait succédé à Nakagawa en 1899. Malgré son
rang, Iwasaki n'avait joué qu'une seule partie contre Shuei dix ans
auparavant. Cette partie était restée inachevée. Cependant Iwasaki
avait eu l'avantage, et il l'a invoqué pour soutenir son objection.
Shuei etait maintenant définitivement plus fort qu'Iwasaki, mais il
refusa de l'affronter, prétextant la maladie, et propose à Tamura de
jouer à sa place. Rien ne se passe puisque Iwasaki refuse de jouer
contre Tamura (qui n'est guère un adversaire valable pour Iwasaki
puisqu'il joue encore avec deux pierres de handicap avec Shuei), et dit
à tout le monde que le Meijin a peur d'un vieil homme (Iwasaki a 64
ans, mais son endurance etait légendaire). En 1907, Shuei meurt étant resté Meijin seulement un an, et lègue dans son testament le titre de Honinbo à Karigané. Tamura s'est empressé de s'opposer à cet nomination au motif qu'il était plus fort que Karigané et que le titre d'Honinbo était censé revenir au joueur le plus fort parmi les élèves de l'institut Honinbo. Puisque ni Karigane ni Tamura ne veulent céder, l'ancien Honinbo Shugen redevient Honinbo par intérim, bien qu'il soit plus faible qu'eux. Shugen était maintenant 6 dan en force mais se disait toujours 4 dan, étant un personnage frivole et dissolu, plus intéressé par la vie que par son rang en dan. Shuei avait une fois tenté de le promouvoir à 5 dan, mais en entendant cela, Takahashi Kinesaburo, l'homme qui avait "joué à mort avec Mizutani Nuiji", rendit son propre diplôme de 5 dan en signe de protestation, et la promotion fut retirée. Lorsqu'il fut suggéré à Shugen que l'honneur de la maison Honinbo exigeait que son chef soit gradé plus haut que 4 dan, il répondit en se promouvant lui-même 6 dan pour le jour de la cérémonie d'accession, puis revint à 4 dan le jour suivant. |
Shuei regardant le match entre Tamura et Karigané |
En 1908, Shugen
se retira pour la deuxième fois, et légua très
justement la direction de l'institut Honinbo à Tamura en tant que
joueur le plus fort. Tamura prit le nom de Shusai, et devint l'un des
plus grands joueurs du vingtième siècle, obtenant la promotion à Meijin
en 1914. En tant que Meijin, Shusai exerçait une immense influence dans
le monde du go, éclipsant la Société Hoensha. Auparavant, les jeunes
joueurs en herbe avaient rejoint la Société, mais désormais ils
affluaient pour devenir les disciples de Shusai. Inutile de dire que la
Société Hoensha était loin d'être satisfaite de cet état de fait, et
que l'autorité de Shusai devenait de plus en plus absolue, ce qui
suscitait quelques récriminations au sein même de la maison Honinbo. C'est un élève de l'institut Honinbo, Nozawa Chikucho, qui en 1914 fut le premier à défier l'autorité de Shusai, lorsqu'il écrivit un article pour un magazine de go critiquant un commentaire de Shusai sur une partie. Cet article devait être le premier d'une série d'articles similaires, mais Shusai fit pression sur le rédacteur en chef du magazine et aucun autre article ne fut accepté pour publication. Nullement découragé, Nozawa trouva en 1918 un éditeur plus courageux et poursuivit sa série jusqu'en 1923, malgré l'expulsion de Shusai de l'institut Honinbo. Il fut également expulsé de la société Hoensha, et pour la même raison : il avait critiqué publiquement un certain nombre de commentaires du président de la société, Nakagawa Senji, qui avait succédé à Iwasaki en 1912. L'institut Honinbo a peut-être souffert d'une direction autoritaire, mais par contraste, l'institut Inoue à Osaka n'avait aucune direction. En 1919, le quinzième chef Inoue, Tabuchi Inseki, est mort sans laisser d'héritier. Deux ans plus tard, l'un de ses élèves, Egeta Senjiro, se déclara unilatéralement nouveau chef Inoue, mais les autres élèves Inoue, agacés par sa présomption, réagirent en l'expulsant. Pendant l'année suivante, l'institut Inoue a continué sans chef, mais il était clair qu'elle n'avait pas d'avenir sans chef reconnu. En 1920, Egeta fut réadmis et confirmé comme le seizième Inoue. Il était devenu habituel pour les journaux de sponsoriser des matchs entre les meilleurs joueurs, mais dans les années 1920, ces matchs sont devenus incontrôlables. Un seul match entre Shusai et son vieux rival Karigane a duré six mois, de mai à novembre 1920, avec 20 ajournements. Shusai était à blâmer. Traditionnellement, le joueur qui avait les blancs avait le droit de suspendre le jeu pour la journée à tout moment, à condition que ce soit à lui de jouer. Shusai (qui, en tant que Meijin, jouait toujours avec les blancs) abusait régulièrement de cette coutume lors de matchs importants en suspendant le jeu pour la journée chaque fois qu'il était confronté à une décision difficile, puis en analysant la position à la maison avec ses élèves. Ce genre de chose était clairement inacceptable, et c'est ainsi qu'en 1922, Karigane et trois autres joueurs formèrent une organisation dissidente, séparée de la maison Honinbo et de la société Hoensha (et hostile aux deux), appelée Hiseikai (Association des Sages Mineurs). Il s'agissait essentiellement d'un groupe créé pour faire pression en faveur d'un certain nombre de réformes, dont les plus importantes étaient :
Les quatre membres de la Hiseikai n'appréciaient pas l'autorité de Shusai, et ils annoncèrent qu'ils organiseraient un tournoi entre eux, dont le vainqueur serait considéré comme le meilleur joueur du Japon. Si cela ne plaisait pas à Shusai, il pouvait défier le champion de la Hiseikai pour un match. Karigane remporta le tournoi, mais le match contre Shusai n'eut jamais lieu, car Dame Nature, sous la forme d'un tremblement de terre, était sur le point d'intervenir... |
Dernière mise à jour le 9/05/21