Retour au sommaire de l'anthologieLes traducteurs d'Hikaru
découvrent leur premier tournoi

Yves Decroix  - 2003 - RFG N° 102

Le volume 5 d'Hikaru no Go dans une main, une liasse de feuilles imprimées dans l’autre Julie Naruse met à profit le soleil du tournoi de Blagneux pour corriger une dernière fois les textes qui vont partir à l’imprimerie. Elle forme la moitié de l’équipe de traduction qui donne vie en français aux aventures d’Hikaru. Lors de ce long week-end du premier mai, elle et son mari Yoshiaki Naruse, l'autre traducteur sont venus en voisins voir de près leur premier tournoi de go et le monde des joueurs français.

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RFG : Alors, que pensez-vous de ce tournoi ?
C'est bien différent de ce que nous imaginions. Il faut dire que notre perception était fondée, sur ce que nous avons vu dans Hikaru.
Ici, c'est humain, il n'y a pas de grandes salles avec des centaines de goban alignés, les gens se connaissent, on n'a pas l'impression qu'il y a beaucoup d'enjeu. Déjà, lors de nos quelques visites au club près de chez nous, celui de Lyon, nous avons été très bien accueillis, malgré notre niveau.

Comment êtes-vous venus au Go, et à Hikaru ?
D'abord, nous nous sommes rencontrés parce que chacun de nous était attiré par la langue et la culture de l'autre. Ainsi, c'est moi qui ait fait découvrir les mangas à Yoshiaki et c'est lui qui m'a fait découvrir le cinéma français.
Nous avons alors voulu exercer une activité professionnelle qui soit en rapport avec notre passion. Nous avons entrepris de poser notre candidature auprès des éditeurs français pour traduire des mangas. Il a fallu insister pendant deux ans avant d'avoir une première réponse positive.

Qu'avez-vous connu en premier: Hikaru ou le Go ?
Nous nous souvenons très bien de notre première rencontre avec Hikaru. Nous étions au Japon, nous avons eu la chance d'être devant la télévision le jour où le premier épisode de l'anime à été diffusé. Nous avons adoré tout de suite : dès le lendemain, nous avions le premier volume du manga. Ensuite, le go est venu naturellement, nous avons commencé à nous procurer des dictionnaires de joseki, des livres de problèmes puis, de retour en France, nous avons cherché sur Internet l'adresse du club de Lyon et nous y avons fait nos débuts.

Mais vous, Yoshiaki, vous n'aviez pas appris au Japon ?
Mon père jouait au go, dans mou école il y avait quelques élèves qui jouaient à l'heure du déjeuner, mais ça ne m'intéressait pas à l'époque, ça me paraissait très difficile. La situation que j'ai vécue ressemble beaucoup à celle qui est décrite au début d 'Hikaru no Go : on met les goban au placard et les anciens n'apprennent pas à jouer aux jeunes.

Quelles sont les particularités dans la traduction d'Hikaru no Go ?
C'est une série qui correspond tout à fait à ce que nous attendons d'un bon manga, un sujet original, un scénario solide et de très bons dessins. Il y a aussi quelques subtilités de langage, ainsi le personnage de Saï s'exprime d'une façon ancienne, un peu précieuse, alors qu'Hikaru parle comme un gamin impatient et impertinent.
Il a aussi fallu faire des choix, surtout pour le premier volume, des choses qui vous paraissent simples comme d'utiliser le mot "goban" n'étaient pas du tout évidentes pour nous au départ Depuis le début nous avons été aidés sur ces aspects techniques par des joueurs de go, dont Marie-Claire Chaine.
Nous avons aussi décidé de remplacer "Shindo", le nom de famille, par "Hikaru" dans la majorité des situations, puisqu'en japonais on appelle souvent les gens par leur nom de famille alors qu'en français ce sont les prénoms qui sont utilisés.

Vous pensez que le succès d'Hikaru a changé quelque chose au Japon ?
La série télévisée a elle aussi un succès considérable, elle bénéficie d'une programmation à la meilleure heure et d'une très forte audience. Le phénomène Hikaru a fait l'objet de nombreux articles dans les journaux, la Nihon Ki-in a enregistré une forte progression des candidatures de jeunes qui se présentent pour être insei. Pour faire court, on peut dire que maintenant le jeu de Go est à la mode au Japon.

Et comment s'exporte Hikaru dans le reste du monde ?
Chinois et Coréens traduisent très vite les nouveaux épisodes. Quelques semaines maximum après leur sortie au Japon, les volumes sont disponibles à Séoul et à Hong-Kong. Sinon, il n'y a que la France qui ait eu droit à sa traduction, une version allemande devrait sortir à l'automne et il n'y a toujours pas d'édition prévue en anglais ce qui nous gêne un peu puisque nous aimerions beaucoup voir la diffusion de l'anime en France et que, même en matière de mangas, les chaînes françaises ont tendance à n'acheter que ce qui a eu du succès aux Etats-Unis.

Avez-vous une idée du nombre d'exemplaires vendus en France ?
Pour le premier volume, qui en est à sa troisième impression, il y a déjà eu plus de 10 000 exemplaires vendus en six mois, ce qui est tout à fait exceptionnel. Les mangas qui ont atteint ces chiffres de vente en France l'on souvent fait sur des périodes plus longues. Cet intérêt n'est pas passé inaperçu au Japon puisque la scénariste, Yumi Hotta, a écrit un petit mot à l'attention du public français. Ce message, une grande marque d'estime, se retrouve uniquement dans le volume un, à partir de la troisième édition, avis aux collectionneurs.

Que savez-vous des rumeurs sur la fin d'Hikaru ?
L'hebdomadaire Jump, qui effectue la pré-publication d'Hikaru depuis le début a annoncé que le 189ème chapitre, paru fin avril serait le dernier. D'un autre côté les auteurs ont annoncé la sortie prochaine d'un "one-shot" (livre mettant en scène les mêmes personnages mais ne s'insérant pas dans la continuité de la série). On ne sait donc pas s'il s'agit d'une pause ou d'un arrêt définitif. Pour les auteurs, cela représente une charge de travail très importante, vingt pages par semaine depuis plus de trois ans.

Et que vous a apporté le fait de traduire Hikaru no Go ?
Avant tout, la rencontre avec le Go. Non pas que nous soyons de bons joueurs, mais cela nous plaît vraiment.

Alors, à quand votre premier tournoi, en tant que participants ?
L'année prochaine (rires).

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