La mue de la
cigale (5 et fin)
Le page prit place à l'arrière du char, et ils s'en revinrent à la résidence de la Deuxième Avenue. Le Prince conta toute l'aventure au garçon, lui reprocha de s'être conduit en enfant, et se gaussa, non sans rancune de la pruderie de la femme. Le page ennuyé pour lui, ne souffla mot. - Puisqu'il apparaît qu'elle me déteste profondément, je ne vois pas la fin de mes peines. Ne pourrait-elle du moins, fût-ce par quelque détour, me répondre aimablement ? Certes, je ne vaux point un Lieutenant Gouverneur d'Iyo ! disait le Prince dans son dépit. Il n'en mit pas moins, comme il se doit, sous son vêtement de nuit, la robe qu'elle avait abandonnée et il se retira dans ses appartements. Il fit coucher le page à ses côtés, et derechef énuméra ses griefs. - Toi, tu es gentil, mais je crois que je ne pourrai
chasser de mon esprit ta parenté avec la cruelle, ajouta-t-il d'un ton
pénétré, ce qui jeta l'enfant dans un désarroi extrême. Laissant sa défroque s'en est allée la cigale et moi dessous l'arbre plus encore désormais pour elle je languirai Voilà ce qu'il avait écrit ; le page le glissa sous le revers de son vêtement et l'emporta. Le Prince s'était inquiété aussi de ce que pouvait éprouver l'autre personne, mais après mûre réflexion, il s'était ravisé et s'était abstenu de lui écrire. Pour sa robe de soie légère, imprégnée du parfum de celle dont il se languissait tant, il la gardait à portée de main et la regardait longuement.
Ainsi lui faisait-elle honte. Encore qu'il ressentît amèrement les avanies qui lui venaient de gauche comme de droite, il présenta le griffonnage du Prince. Et bien sûr elle le prit, et lut. Que voulait-il dire à propos de cette "défroque" ? Était-ce une allusion au « pécheur d'Iséo à l'onde amère accoutumé » ? se demanda-t-elle, mal à son aise et l'esprit troublé de mille pensées contradictoires. La demoiselle de l'ouest était rentrée chez elle plutôt confuse. Comme nul ne savait son aventure, elle se morfondait toute seule, à l'insu de tous. Quand le page était passé, son cœur avait tressailli, mais il n'avait pas de lettre pour elle. Rien ne lui permettait de deviner qu'on l'avait dupée, et malgré son enjouement, elle devait éprouver quelque mélancolie. Quant à la dame sans merci, malgré ses efforts pour se montrer insensible, l'évidente sincérité du Prince lui faisait regretter de n'être plus libre, et bien qu'il fût trop tard pour se raviser, elle ne put s'empêcher d'écrire dans la marge du billet : La rosée tombée sur ses ailes la cigale cache dessous l'arbre ainsi fais-je de ma manche trempée de larmes secrètes |
[第五段 源氏、空蝉の脱ぎ捨てた衣を持って帰る] やはり人柄が懐かしく思われます」 |
Traduit du japonais par René SIEFFERT, mars 1988 Publications orientalistes de France |
渋谷栄一訳(C)(ver.1-2-2) |
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